La capacité à changer

Par Louis Mbani Atangana, B.A.A., M.A.P. Adam.A, expert en développement organisationnel

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Une réalité de notre existence

Nous naissons, nous vivons et nous allons aussi mourir… c’est l’existence humaine et, à mon avis, elle se résume en un mot : le changement!

Le changement est donc la réalité à laquelle les humains n’échappent jamais, que ce soit dans leur vie privée ou leur vie professionnelle. Or, si nous pouvons un peu mieux contrôler les changements d’ordre privé, ceux de nos organisations nous échappent beaucoup à cause de leur plus grande complexité. L’école de nos enfants, le supermarché de notre quartier, un ministère de notre gouvernement, notre troupe de théâtre préférée, la compagnie de téléphone… sont des organisations et sont toutes contraintes de changer de plus en plus vite, dans un environnement devenu instable, turbulent, imprévisible et pratiquement incontrôlable.

 

Du point A au point Z ?

Si nous acceptons le fait que notre vie est un processus de changement, nous dirons peut-être que le point de départ est notre naissance et le point final est notre mort. Certains demanderont : «Es-tu sûr que le début, c’est la naissance?» ou encore «Ne crois-tu pas qu’il y a une vie après la mort?» Évitons tout débat métaphysique et considérons que la naissance et la mort sont notre début et notre fin, soit le point A et le point Z de notre vie. Entre les deux, nous allons aux études et à la fin nous obtenons un parchemin; nous déménageons pour nous installer ailleurs; nous travaillons jusqu’à la retraite; nous entreprenons un projet qui aboutira à un résultat… Cette façon de penser par le début et la fin nous donne l’illusion de pouvoir contrôler notre existence et d’y trouver la sécurité. Mais est-ce toujours aussi simple? Bien sûr que non, car nous sommes des humains : nous sommes divers et ondoyants; nos vies aussi.

Quant aux organisations que nous avons créées, elles nous ressemblent. Tout comme nous, elles naissent et meurent; elles sont aussi diverses et ondoyantes. Voilà pourquoi les changements organisationnels basés sur une logique linéaire, allant du point A au point Z, ne fonctionnement plus!

 

La méthode des dinosaures

Les recherches sur le sujet sont presque unanimes : les multiples changements qui se déroulent dans nos organisations se soldent à près 80 % par des échecs… Quel gâchis! et pire encore, les dégâts sont plus graves sur le plan humain. Nous connaissons tous quelqu’un de malheureux au travail à cause de changements qui lui sont imposés.

Les employés subissent généralement les changements organisationnels qui, en eux-mêmes, ne sont pas la source du problème… le changement étant au cœur de toute vie! Le problème, c’est que certains dirigeants appliquent encore la vieille méthode qui consiste à «formater» le changement du point A au point Z. Ils s’enferment dans leurs tours d’ivoire, avec leurs hautes équipes de gestion et leurs consultants, ils tracent l’avenir de l’organisation, comme inspirés par une boule de cristal. Tout est pensé, planifié, organisé… par eux, pour qu’ensuite les employés s’y soumettent. Tout cela est fait sans tenir compte de la vie elle-même et de la nature humaine qui sont, rappelez-vous, diverses et ondoyantes!

Ce type de gestion ne peut qu’aboutir à des résultats négatifs. Imposer le changement aux employés, c’est appliquer la méthode des dinosaures, une méthode inefficace et dépassée. Les méthodes de conduite de changement ne cessent d’évoluer depuis les années 1950; n’est-il pas triste de constater que certains dirigeants ne le comprennent pas?

 

Développer la capacité à changer

Tout change dans notre monde, et la conduite du changement organisationnel ne fait pas exception. Le terme «conduite de changement» devient même critiquable, car peut-on prétendre conduire le changement d’un point précis à un autre dans un environnement impossible à contrôler, à maîtriser totalement?

De plus, le changement défini seulement par le début et la fin ne reflète pas la réalité humaine. Plusieurs débuts et plusieurs fins sont possibles, et entre le point A et le point Z, il existe une infinité de points qui se profilent chemin faisant. Ce sont les imprévus, les influences, les erreurs, les passages à vide, les sursauts de la vie, les cheminements personnels et ainsi de suite! Personne ne peut plus, dans une organisation, avoir la prétention de dire aux autres avec exactitude d’où part le changement et là où il finit.

Mais alors? Devant un changement complexe à la fois quotidien et perpétuel, il nous faut tous développer notre capacité à changer pour mieux composer avec le changement. Et, pour des dirigeants, développer la capacité à changer chez les membres de leur organisation, c’est leur permettre d’expérimenter le changement, tout en s’impliquant eux-mêmes dans chaque étape du processus (car on ne peut pas amorcer un changement sans changer soi-même…). Dans cette perspective, le changement organisationnel n’est plus linéaire mais plutôt organique et dynamique. Il n’est plus expliqué mais vécu. Il est donc expérientiel et agile. On apprend à le vivre par des activités, des ateliers, des jeux, des causeries, des initiatives innovantes, des remue-méninges… qui font appel à la collaboration de tous les membres de l’organisation, pour

qu’ensemble ils co-créent le changement!

Bref, au lieu de passer trop de temps dans des salles de conférence, à tracer des plans, à discuter d’avenir, les dirigeants doivent expérimenter le changement organisationnel avec leurs employés par des expériences de changement intelligemment conçues.

Plusieurs études montrent que nous vivons ce qu’Autissier[1] et Moutot appellent l’époque du «paradigme expérientiel». Dorénavant, les employés sont au centre des changements de leur organisation. Les vieilles méthodes linéaires et mécaniques du point A au point Z sont dépassées et ne fonctionnent plus : les organisations et leurs membres doivent cocréer le changement, de manière progressive et pratique. Sous l’influence de la nouvelle génération en quête d’instantanéité et d’expérience concrète, les employés sont les principaux acteurs de la transformation. Et il faut que les dirigeants les aident à développer leur capacité à changer.

 

Par Louis Mbani Atangana, B.A.A., M.A.P., Adm. A, expert en développement organisationnel


[1] AUTISSIER, David, et Jean-Pierre MOUTO. Le changement agile : se transformer rapidement et durablement, Paris, Dunod, 2015.